Rencontre : Bons signes
Laurène PAILLER
On l'a vue traduire en langue des signes la cérémonie des vœux à Guipavas.
Laurène Pailler raconte l'histoire d'un véritable métier-passion qu'elle exerce depuis 12 ans.
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Toute la parole a des conséquences ! D’où l’essentiel de se former, tout le temps.
J’ai décidé très tôt que je voulais être interprète en langue des signes à un moment où on me disait que ce n’était pas un métier. J’ai axé tout mon parcours autour de ce projet-là. » Un brin déterminée, Laurène Pailler se lance donc dans une licence de lettres modernes en parallèle d’une formation intensive en langue des signes à Brest, et devient auxiliaire de vie scolaire auprès d’une jeune fille sourde signante. Puis direction Lille pour un Master d’interprète qu’elle obtient en 2013 avant de revenir débuter sa carrière à l’URAPEDA (association au service des personnes sourdes et malentendantes devenue añvol Bretagne). Installée aujourd’hui à Coataudon, la plabennecoise d’origine est depuis 2022 interprète en langue des signes indépendante. « Il faut bien dire langue et non langage », tient-elle à préciser d’emblée, « C’est un système complet, on peut tout dire et on peut tout traduire. » Elle parle aussi naturellement de la culture propre de cette langue, de son histoire, de sa communauté, celle des personnes sourdes signantes.
Zéro routine
« C’est un métier où il y a zéro routine parce qu’on intervient pour tous les moments où la communication est bloquée, où une personne sourde souhaite avoir un échange poussé avec une personne entendante et inversement. On est là pour faire le pont entre les deux », explique Laurène Pailler. Aucun domaine n’est épargné : enseignement, formation profesionnelle, judiciaire (lors de procès), réunions publiques… Elle fait aussi du chansigne pour les concerts, aux Jeudis du port ou ailleurs : « J’ai traduit à l’Olympia avec les Ogres de Barback, c’était assez fou », se souvient-elle. Elle officie aussi pour des associations locales, pour la lutte pour le droit des femmes notamment. « Quand on traduit, c’est important d’être hyper fidèle aux discours. Les trois piliers du métier sont fidélité, neutralité, secret professionnel », précise-t-elle. « Si on se trompe sur une déclaration, sur une prise de médicament… Toute la parole a des conséquences ! D’où l’essentiel de se former tout le temps. » Un solide travail des thématiques est souvent nécessaire en amont, avec l’appui des médias sourds existants (comme Médiapi). « Il faut comprendre super vite. C’est génial parce qu’on apprend énormément de choses tous les jours. On devient hyper calés en sécurité et en extincteurs ! », plaisante-t-elle.
Il reste encore à faire
Une meilleure prise de conscience des besoins de traduction en langue des signes émergerait-t-elle ? « Je pense que sur l’accessibilité publique, on gagne ! Mais il reste tellement à faire, mais vraiment tellement ! », soutient-elle. « Sur le bassin brestois, les demandes sont énormes. On n’est pas les moins bien lotis, il y a une politique forte et une communauté sourde très active. » La concernant, le message est clair : « Je n’arrêterais ce métier pour rien au monde, même si je gagnais au loto ! »
Fabienne Ollivier
Article publié dans Guipavas le magazine n°15 – septembre /octobre 2025